Dîner du CRIF Sud-est 2017 à Nice

Discours d’introduction de Jérôme Culioli

Le Dîner du CRIF Sud-est 2017 s’est tenu au Négresco dans le contexte accablant de l’attentat djihadiste aveugle qui a endeuillé la Promenade des Anglais le 14 juillet dernier.

Le Dîner du CRIF Sud-est est un rendez-vous républicain où les élus de la République et le monde institutionnel rencontre les représentants des institutions Juives. Lors de ce dîner, le 13 décembre 2016, placé sous la parole « Et tu Choisiras la Vie » du Deutéronome sur fond de Chaises Bleues symbolisant la « Promenade des Anges », les divers intervenants ont salué les efforts du Conseil Représentatif des Instituions Juives de France dans la vie civile, la défense de la fraternité et du vivre-ensemble, tout en affirmant que les ennemis de ces valeurs rencontreront la détermination de « ceux qui ont choisi la vie ».

Christian Estrosi sur l’estrade entourée de 86 roses blanches

Une solidarité magnifique

L’estrade des orateurs était décorée de 86 roses blanches, en hommage au 86 victimes de la barbarie aveugle décimées sur la Promenade des Anglais le 14 Juillet 2016. Les divers orateurs ont souligné la magnifique solidarité qu’a soulevé cet attentat islamiste ayant assassiné sauvagement des innocents indifféremment de leurs races et couleurs, de leur âge et conviction religieuses. Cette solidarité doit constituer le socle de la réaction aux craintes pour l’avenir. En effet, chacun a manifesté son inquiétude devant la montée de l’antisémitisme en France et de la Droite populiste. Tous ont dénoncé les formes sournoises que prend l’antisémitisme, comme la démarche illégale du BDS, les résolutions révisionnistes de l’UNESCO – auxquelles la France n’a opposé qu’une abstention – ou encore l’étiquetage des produits provenant des « territoires occupés », qualifié de discriminatoire envers Israël quand 200 conflits territoriaux dans le monde ne suscite pas de telles oppositions…

Jérôme Culioli

Continuons à choisir la vie

Dans son discours d’introduction, Jérôme Culioli, Président du CRIF Sud-est, a souligné que « La France est une magnifique mosaïque de communautés, expression d’une diversité qui doit s’entendre dans le respect des lois de la République. Il a appelé à la « tolérance zéro vis à vis de ceux qui cherchent à détruire les piliers de l’identité de notre République avec ce qu’elle compte de valeurs fondamentales et fondatrices. La solidarité est le ciment de notre société! »

Christian Estrosi

Éradiquer le fléau du communautarisme

Christian Estrosi, Président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur et Président de la Métropole Nice Côte d’Azur, a martelé: « Attenter à un Juif de France, c’est toucher à a république tout entière! A l’inverse, protéger un Juif de France, c’est préserver le cœur de nos valeurs républicaines! »
Après avoir appelé à éradiquer le fléau du communautarisme, il a évoqué Hanouka comme symbole de vie: « Dans cette obscurité où a barbarie a frappé, c’est la lumière du partage qui nous sauvera. »

Francis Kalifat

Reprendre pied dans les territoires perdus de la République

Francis Kalifat a stigmatisé ceux qui refusent l’échange et le débat authentique et a appelé à une lutte culturelle au sein de l’Islam de France. Pour le Président du CRIF National, « l’heure est aux mutations, aux incertitudes et aux populismes… ». Évoquant les ignobles attentats de 2016, il a dit: « Nous vivons dans un pays en guerre contre le terrorisme islamiste », avant d’inviter à concentrer les efforts envers les plus jeunes, car: « il est grand temps que l’État reprenne pied dans les territoires perdus de la République! »

Philippe Pradal

Créer l’avenir ensemble

Philippe Pradal, Maire de Nice, imagine un pays où la laïcité ne voudrait jamais dire haine de la religion, mais liberté pour chacun de vivre sa foi ou sa non-foi. Où Liberté Egalité Fraternité continuerait d’en porter le sens… » Le Maire de Nice conçoit que l’avenir se bâtira par le dialogue, l’éducation, l’imagination, et la réinvention intransigeante du vivre-ensemble. Il a rappelé la citation du professeur Peter Drucker: « La meilleure façon de prédire l’avenir, c’est de la créer! » et a conclu: « En conséquence, notre avenir ne sera jamais que ce qu’ensemble nous en ferons. »

Alain Bauer, criminologue

Pluralité des profils de terroristes

Alors que la France connait depuis 2014 les attentats les plus meurtriers de son histoire, l’invité d’honneur du Dîner du CRIF Sud-est était le criminologue Alain Bauer, professeur de Criminologie au Conservatoire National des Arts et Métiers, New York, Shanghai et Beijing.
Lors de son allocution, Alain Bauer a recadré le terme de « terrorisme », précisant que, si la différence entre terroriste et résistant – en cas de vie intolérable d’une partie de la population – est limitée, seul l’objectif d’un attentat détermine son caractère terroriste.
Alain Bauer a ensuite rappelé les étapes de la montée du terrorisme islamiste avec la chute du Shah d’Iran, la crise en Afghanistan, la contestation des frontières découpées selon des accords entre Occidentaux, amenant un réveil des « tribus ».
M. Bauer a raconté comment du contre-espionnage vis à vis de « l’espion soviétique », on était passé au contre-terrorisme, qui exige une rapidité d’action, là où auparavant, les résultats provenaient d’une patiente infiltration d’un réseau.

Alain Bauer

Il est revenu sur le caractère de « nébuleuse » d’Al-Qaïda en précisant que Ben Laden était plus un porte-parole que son chef, et a remémoré un antécédent à l’État Islamique: la prise de la grande mosquée de La Mecque par des salafistes en 1979, réprimée grâce à l’intervention du GIGN français. D’où la haine de Daesh envers notre pays…
Actuellement, si le terrorisme d’état a fini avec la chute du communisme, la pluralité de profils complique la tâche des agents du contre-terrorisme, avec les sinistres tueries de fanatiques isolés comme Khaled Kelkal ou encore Mohammed Merah.
Alain Bauer a rassuré l’auditoire: « 90% des attentats prévus n’ont pas lieu. Toutefois, sur les 10% d’attentats qui surviennent, 9% pourraient être évités grâce à une meilleur coopération inter-services et internationale, favorisant la capacité à l’action. » L’expert en criminologie estime que seul 1% des attentats sont inévitables…

Anita Mazor

Solidarité d’Israël envers Nice

Anita Mazor, Consul général d’Israël à Marseille, a réaffirmé la solidarité de son pays dans la douleur des Niçois victimes de l’attentat le soir de la Fête Nationale et a remercié les forces de l’ordre qui nous protègent. Elle a ajouté: « Cette affliction que subit aussi Israël, qui paye un lourd tribut à la liberté, nous unit d’avantage face à l’obscurantisme! » Anita Mazor a fait également fait le parallèle avec la fête d’Hanouka, symbolisant la victoire de la lumière sur l’obscurité, de l’amour sur la haine, pour exprimer la lutte contre l’antisémitisme et le terrorisme. Elle a rappelé que 2017 sera pour Israël l’Année du Jubilé fêtant 100 ans de la Déclaration Balfour et de nombreuses autres dates symboliques pour l’État Hébreu comme les 50 ans de la Guerre des 6 Jours ou les 40 ans de la visite de Saddate à Jérusalem.

Lauriano Azinheirinha

Transmettre le flambeau de la mémoire

Lauriano Azinheirinha, représentant Eric Ciotti, Député, Président du Conseil Départemental des Alpes Maritimes, a insisté sur la longue et intense vie commune liant les Juifs et la République. Il a rappelé les mesures mises en place par le Conseil Départemental des Alpes Maritimes pour lutter contre la violence et l’antisémitisme, comme le plan de lutte contre la radicalisation des jeunes, ou la plan de sécurité des collèges, suite à l’attentat de Nice. Pour perpétuer la mémoire et éduquer la jeunesse, les Voyages de la Mémoire, animés par le regretté Charles Gottlieb, ont vu des centaines d’élèves constituer un réseau de passeur de mémoire. Il est de notre responsabilité de transmettre le flambeau de la mémoire pour vaincre le fléau de l’ignorance, du racisme et de la haine de l’autre.

Les lauréats du prix Charles Gottlieb avec Daniel Wancier (à droite)

Remise des Prix Charles Gottlieb

Le Prix Charles Gottlieb commémore la marche vers l’Italie en 1943 de Juifs réfugiés dans la Vallée de la Vésubie fuyant le criminel nazi Aloïs Brunner. Le passage s’effectuait dans de terribles conditions par le Col de la Madone de Fenestre ou le Col de la Cerise. Chaque année, le 17 Septembre, une marche commémore ces périlleux passages. Daniel Wancier, Président du Comité Yad Vashem Nice Côte d’Azur, lui-même un enfant sauvé par des Justes, a remis les Prix Charles Gottlieb aux lauréats Agnès Brunel, Principale du Collège de Roquebilière, Caroline Grinda, Directrice de l’école primaire de Saint Martin Vésubie, et Eric Chili, professeur d’Histoire au Collège de Roquebilière.

Georges-François Leclerc

Des cartes d’identité pour fuir les rafles

Le dernier orateur – mais pas le moindre – fut le nouveau Préfet Georges-François Leclerc, qui a évoqué ses souvenirs de sa précédente affectation en Haute-Savoie. Pendant cette période, tous les étés durant quatre ans, il s’est rendu sur la Clairière de Ripaille, planté de toutes les essences d’arbres d’Europe, et où est érigé le monument à la gloire des Justes de France, des citoyens non Juifs qui ont sauvé des Juifs pendant la guerre.
Tous les ans, il retrouvait là Jeanne Brousse, une fonctionnaire responsable des cartes d’identité à la Préfecture. Cette dame de 95 printemps cette année fabricait de vraies-fausses cartes d’identité pour que les Juifs puissent fuir la France et les rafles.