Julieta de Pedro Almodovar brosse un portrait de femmes sur fond de drames, dans un film sans vrai souffle ni relief, plutôt austère, qui laisse perplexe.
Julieta (Emma Suàrez) reste désespérée par l’absence de sa fille Antia qui l’a quittée à sa majorité et l’a laissée sans nouvelle depuis. Lors d’une rencontre fortuite dans une rue de Madrid, Beatriz (Michelle Jenner), la meilleure amie de sa fille, lui apprend qu’elle a récemment rencontré sa fille, laquelle a maintenant trois enfants. Bouleversée, Julieta met fin à sa relation et ses projets avec Lorenzo (Dario Grandinetti), reprend un appartement dans son ancien immeuble et plonge dans son passé en écrivant à sa fille.
Flash-back: une autre Julieta (Adriana Ugarte) apparaît, trente années en arrière…
Première nuit d’amour dans le train tragique
La rencontre de Julieta avec Xoan, le père d’Antia, se passe dans un train. La jeune femme quitte son compartiment, où un homme d’âge mûr vient de s’assoir en face d’elle et cherche à engager la conversation. Au wagon restaurant, Xoan (Dalien Grao), lui, est jeune et séduisant… Soudain, le train freine d’urgence: l’homme que la jeune femme a laissé dans son compartiment s’est suicidé.
Plus tard, son intérim comme enseignant de littérature antique terminé, Julieta rejoint Xoan, un pêcheur qui semble ne pas connaître la crise: il pêche un peu quand il veut et il a même une bonne, Marian (Rossy De Palma), qui s’occupe du ménage de sa coquette maison au bord de mer – et de sa vie privée. La première nuit d’amour dans le train tragique se transforme en passion qui amènera la naissance d’Antia.
Cruel abandon de sa fille
La fatalité voudra qu’à la suite d’une dispute au sujet de (bénignes!) coucheries de Xoan avec son amie d’enfance, la sculptrice Ava (Inma Cuesta), Julieta part bouder et Xoan part pêcher alors que la mer est déjà houleuse. La tempête qui s’en suivra engloutira son bateau. Julieta s’installe à Madrid dans l’appartement de la mère de Beatriz, l’amie d’Antia (qui a une bonne, elle aussi). Les deux jeunes filles, devenues inséparables, s’occupent désormais de Julieta, anéantie, en pleine dépression. Une fois qu’elle a repris goût à la vie, Julieta et Antia s’installe dans un appartement près de celui de Bea, les deux jeunes filles étant inséparables.
Troisième épreuve pour Julieta: la cruelle rebuffade qu’elle subit de la part d’Antia, qui partie en retraite spirituelle, part faire sa vie de son côté en excluant sa mère, sans un mot d’explication. Comble du mépris, elle l’apprend de la bouche de la responsable de la « retraite spirituelle » (tiens, même elle a une bonne, qui sert le thé…)
Dommages collatéraux en cascade
Au fil des scènes, les ressorts psychologiques de ce drame se tendent bien , mais ils sont mous du genou… On a du mal à entrer dans cette histoire. On s’ennuie même, en attendant que se produise un déclic. Des gens quittent la salle… On reste parce que c’est Almodovar. Tout ça va prendre corps, non?… Hé bien pas tellement.
D’autant que si tout est merveilleusement filmé, avec des plans utilisant artistement les perspectives, on « sent » le travail derrière la mise en scène, on voit trop les ficelles du réalisateur, ce qui fait décrocher du récit. Emma Suàrez est excellente en mater dolorosa mais les rapports mère-fille, qui ont amené cette situation, ne sont pas vraiment explorés. Aussi, on est surpris quand on apprend les raisons qui ont poussé Antia à fuir sa mère et son amie Beatriz. Le jeu des acteurs n’est pas vraiment naturel, pas très convaincant, comme si les protagonistes ne croyaient pas eux-mêmes en cette histoire de culpabilité en cascade, de drames entraînant des dommages collatéraux de mère en fille… Julieta ne transmet rien!
Le rôle le plus corsé, le plus vrai est encore celui de Marian, le « corbeau » qui prend plaisir à colporter les vérités gênantes.
Julieta est le vingtième long métrage du maître Espagnol, grand chouchou du Festival, et le sixième retenu en Compétition après Tout Sur ma Mère, (Prix de la Mise en Scène en 1999), La Mauvaise Éducation (2004), Volver, (Prix du Scénario en 2006), Étreintes Brisées (2009) et La Piel que Habito (2011).
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