Le Prix Jacques Audiberti 2021 Couronne Béatrice Commengé -

Le prix littéraire Jacques Audiberti 2021 a couronné l’écrivaine Béatrice Commengé pour l’ensemble de son œuvre et plus particulièrement pour son livre « Alger rue des Bananiers », publié aux éditions Verdier.

Le 32ème Grand Prix littéraire Jacques Audiberti, créé en 1989, en hommage au célèbre écrivain et dramaturge antibois, récompense chaque année une œuvre entrant en résonance avec la Méditerranée. Pour son édition 2021, l’ensemble du jury présidé par Didier Van Cauwelaert a choisit d’honorer L’écrivaine Béatrice Commengé, pour l’ensemble de son travail littéraire. Les jurés ont notamment été séduit par son dernier roman Alger rue des Bananiers, un récit qui entremêle subtilement la mémoire d’une enfance et l’histoire de l’Algérie française.

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Aurélie De Gubernatis, Étienne Demonty, Pierre Joannon, Jean Leonetti, Béatrice Commengé, Marie-Louise Audiberti, Didier van Cauwelaert ©YesICannes.com

Le grand prix littéraire Jacques Audiberti

Ce prix a été remis le 12 novembre 2021 par le Député-Maire Jean Leonetti et Didier Van Cauwelaert dans le nouvel Auditorium du Conservatoire de Musique et d’Art Dramatique d’Antibes. Auteure également de La Nuit est en avance d’un jour, son premier roman, du livre Le Ciel du Voyageur ou encore de l’essai La Danse de Nietzsche, Béatrice Commengé succède dans la liste prestigieuse des lauréats à Frédéric Vitoux (Prix 2020), l’Égyptien Alaa El Aswany (2019), Sylvain Tesson (2018) ou encore Lawrence Durrell, qui fut le premier à le recevoir en 1989. Un prix qui, entre autres, couronna également Michel Deon (2008), Jean d’Ormesson (2003), Claudio Magris (2001)…

Aurélie De Gubernatis, Étienne Demonty, Pierre Joannon, Jean Leonetti, Béatrice Commengé, Marie-Louise Audiberti, Didier van Cauwelaert ©YesICannes.com

Alger, rue des bananiers

Cette remise de prix a donné lieu à une lecture d’extraits du dernier roman de la lauréate, Alger, rue des bananiers et d’une séance de dédicaces. Le lendemain, l’autrice s’est rendue à la Médiathèque Albert Camus à la rencontre des lycéens pour débattre autour de son dernier roman et sur l’ensemble de son œuvre.

Béatrice Commengé ©YesICannes.com

Didier van Cauwelaert, Président du jury

Le Grand Prix Littéraire de la Ville d’Antibes Jacques Audiberti est attribué chaque année par un jury composé de Didier van Cauwelaert, (Président), romancier, auteur dramatique, scénariste, librettiste, Jean Léonetti, Ancien Ministre des Affaires européennes, Député Maire d’Antibes Juan-les-Pins, Président de la Communauté d’Agglomération Sophia Antipolis, Simone Torres-Forêt Dodelin, Adjointe au maire d’Antibes et déléguée à la Culture, Pierre Joannon, écrivain et diplomate franco-irlandais, Marie-Louise Audiberti, romancière, essayiste et traductrice, Jacques Gantié, journaliste, critique gastronomique et éditorialiste, Aurélie De Gubernatis, auteure et Étienne de Montéty, auteur et Directeur adjoint de la rédaction du Figaro et directeur du Figaro littéraire.

Marie-Louise Audiberti, Jean Leonetti, Didier Van Cauwelaert, Béatrice Commengé, Simone Torres-Forêt Dodelin, Aurélie De Gubernatis, Pierre Joannon ©YesICannes.com

Béatrice Commengé, amoureuse de la Méditerranée

Béatrice Commengé passe son enfance au sud de la Méditerranée et plus précisément à Alger, où elle naîtra en 1949. Après des études d’anglais et un doctorat sur Virginia Woolf (traduit en français Anaïs Nin et Kate Millett), elle publie son premier roman, La Nuit est en avance d’un Jour sorti en 1985. Sa passion pour la danse, les bibliothèques et les routes l’emmènerons à revisiter Nietzsche (La Danse de Nietzsche – Gallimard, 1987), mais également Rilke (dans ses promenades autour du Jardin du Luxembourg), Hölderlin (Et il ne pleut jamais, naturellement) ou la ville d’Alexandrie. Son deuxième roman, toujours en résonance avec la Méditerranée, sera placé sous le signe de l’Italie (Le Ciel du Voyageur, Gallimard, 1988). En 1991, elle fait un détour par les États-Unis pour rendre hommage à Henry Miller (H.M. Ange, Clown,Voyou – Plon).

©YesICannes.com

Roman sur l’errance

Après cette escapade américaine, elle revient sur ses terres de prédilections en écrivant un roman sur l’errance (Alexandrines, La Table Ronde, 1995), suivi, en 1997, par une plongée à la verticale du temps, (L’Homme Immobile). Kairos, le dieu du moment opportun, complète cette déclinaison du Temps dans L’Occasion Fugitive. En 2010, elle publie un récit de plusieurs voyages littéraires (Voyager vers des lieux magnifiques, Finitude, 2010). Béatrice Commengé a également publié dans de nombreuses revues comme L’Infini, L’Arc, Cahier de l’Herne, Légendes, Hors Jeu, L’Art du Bref, Ligne de Risque, L’Atelier du Roman, la Revue Littéraire…

Didier Van Cauwelaert & Béatrice Commengé ©YesICannes.com

Histoire familiale sur quatre générations

Dans son dernier livre Alger, rue des Bananiers, en remontant le cours d’une histoire familiale sur quatre générations, Béatrice Commengé entremêle subtilement la mémoire d’une enfance et l’histoire de l’Algérie française. L’écrivaine se remémore cette maison qu’elle et ses parents occupaient. Le rez-de-chaussée, les trois arbres du petit jardin, et la rue à laquelle on accédait par un escalier, cette rue qui se trouvait donc à l’horizon et qui promettait tant de découvertes et d’aventures…

Étienne de Montéty, Marie-Louise Audiberti, Jean Leonetti, Didier Van Cauwelaert, Béatrice Commengé, Simone Torres-Forêt Dodelin, Aurélie De Gubernatis, Pierre Joannon ©YesICannes.com

L’Algérie Française au temps du bonheur

Au plus près de l’esprit des lieux, elle parvient à donner un relief singulier au récit de cet épisode toujours si présent de notre passé. « Le hasard m’a fait naître sur un morceau de territoire dont l’histoire pouvait s’inscrire entre deux dates, comme sur une tombe: 1830-1962. Tels un corps, l’Algérie française était née, avait vécu, était morte. Le hasard m’avait fait naître sur les hauteurs de la Ville Blanche, dans une rue au joli nom: rue des Bananiers. Dans la douceur de sa lumière, j’avais appris les jeux et les rires, j’avais appris les différences, j’avais aimé l’école Au Soleil et le cinéma en matinée, j’avais découvert l’amitié et cultivé le goût du bonheur. »

Jean Leonetti ©YesICannes.com

Conférence de presse à la Villa Eilen Roc

Le 12 novembre au matin, une conférence de presse a été organisée à la Villa Eilen Roc située au cœur du Cap d’Antibes, en présence des membres du jury et de Béatrice Commengé. Quelques extrait de son livre Alger, rue des Bananiers a été lu par Didier van Cauwelaert et commenté par l’écrivaine qui déclare: « L’Algérie Française fut une belle aventure qui aura duré 130 ans est qui s’est fini en emportant mon enfance et mon insouciance. Mais dans le fond, pour moi l’enfance, il n’y a pas de frontières. J’espère que mon enfance est toujours en moi quelque part. Pour écrire ce livre, j’ai du affronter les souvenirs, ouvrir les albums de photographies, interroger ceux qui se souviennent ou dire leurs absences, remonter le cours de quatre générations enracinées dans la blancheur éclatante d’un pays tant aimé: l’Algérie. De la naissance en 49 au départ à l’été 61 sur un immense paquebot, la Ville d’Alger que j’aimais profondément, s’est éloigné à tous jamais de mon cœur et de ma vie.

Jean Leonetti, Didier Van Cauwelaert, Béatrice Commengé ©YesICannes.com

Souvenirs et regrets

Et de poursuive: « J’aimais la blancheur lumineuse de ce petit coin de France bordé par les eaux turquoises de la Méditerranée, enrichie de toutes ses différences et c’étaient ses différences que j’aimais. Au fil du temps, les souvenirs du dernier printemps, du dernier jour, de la dernière seconde se sont doucement effacés de ma mémoire. Puis, pendant des années, on mène une vie de paysages, et un jour, parce que le père meurt à 92 ans et que l’on hérite de ses livres qui ont envahi toute la maison du Sud-Ouest – parce qu’à l’évidence il ne s’agit pas seulement d’un amoncellement de livres, mais d’une œuvre – il faut faire face à ce qui avait semblé une évidence. Et peut-on encore penser l’avoir quittée sans regrets, cette terre de l’enfance, puisque c’était l’enfance qui me quittait en même temps que je quittais le lieu qui l’avait nourrie ».

Jean Leonetti, Didier Van Cauwelaert, Béatrice Commengé ©YesICannes.com

L’Algérie, une France pas comme « l’autre »

« J’ai huit ans. De l’Algérie je ne connais pas la saveur de la terre, je roule à patins sur le goudron de mon chemin, grisée par ma vitesse. La lumière est la même qu’à Sarcab, intensément bleue. Chaque jour, je découvre un peu plus que l’Algérie n’est pas une France comme « l’autre ». « La France d’ici est à défendre », me dit on. Sur les murs blancs, en lettres capitales se multiplient trois lettres: FNL. Je ne veux pas quitter ma rue. Je l’aime. Je les crois lorsqu’ils disent que ce n’est pas la guerre. »

Didier Van Cauwelaert, Béatrice Commengé ©YesICannes.com

L’insouciance de l’enfance

« La guerre, je sais à quoi elle ressemble: l’été dernier, dans la France verte, mes parents m’ont emmenée voir les ruines d’Oradour-sur-Glane. Quant la guerre est là, il n’y a plus de maisons, plus de magasin, tout est brûlé, calciné… les voitures, les pompes à essence, les lits en fer, les machines à coudre… Tout cela je l’ai vu. Louis m’a tout raconté. Comme à Mélouza, mais j’ignore tout de Melouza. Alger n’a pas brûlé, je n’ai pas manqué un seul jour d’école. D’Amérique est arrivé un nouveau jeu, le hula hoop. En quelques jours, j’ai réussi à faire remonter mon cerceau de la taille jusqu’au cou. Louis vient de passer son permis de conduire et d’acheter sa première voiture: une 203 bleu marine avec le toit ouvrant. J’ai appris le numéro par cœur: 558 BG 91. Le département d’Alger est donc le 91ème département français. »

L’Algérie Française aura duré 130 ans (1830-1962)

« Je n’ai pas le souvenir d’avoir vu un seul bananier, rue des Bananiers. Je regrette que la rue ait perdu son nom aujourd’hui, qu’elle ait troqué un nom d’arbre pour un nom propre, « Bouchareb ». La subtilité de la topobiographie de Béatrice Commengé est peut-être tout entière concentrée dans cette phrase qui n’est pas seulement le commentaire du titre du livre mais bien le soulignement de la place des mots dans notre manière d’habiter le monde, de la présence/absence à soi d’un lieu, et plus largement de l’Histoire, des histoires, quand « c’est fini », derniers mots de ce récit magnifique.

Le prix Littéraire Jacques Audiberti

Le Prix Littéraire Jacques Audiberti a été fondé en 1989 par la ville d’Antibes afin de récompenser une œuvre inspirée, totalement ou en partie, par la Méditerranée. Il est décerné chaque année par un jury d’auteurs et de professionnels du milieu culturel et littéraire, présidé par Didier Van Cauweleart. Afin d’apporter un nouvel essor à cette distinction, une ouverture plus large sur le monde littéraire a été proposée et les lauréats doivent non seulement avoir un lien avec la Méditerranée mais l’œuvre doit également comporter une résonance avec celle de Jacques Audiberti.

Prix Jeune Audiberti

Depuis 2020, le Prix Jeune Audiberti accompagne le Prix Littéraire Jacques Audiberti. Ce concours d’écriture organisé par l’association des amis de Jacques Audiberti, la ville d’Antibes Juan-les-Pins et les éditions Gallimard, a cette année récompensé Sophie Vandeveugle. Pour « écrire musclé », cette étudiante de l’Université de Lille, qui prépare un mémoire portant sur l’antispécisme en littérature ultra contemporaine, a choisi un sujet auquel elle est très attachée, la condition animale, imbriquée dans le passage de l’enfance à l’âge adulte.

Marie-Louise Audiberti, Sophie Vandeveugle, Bernard Fournier (Président de l’association des amis de Jacques Audiberti), Simone Torres-Forêt Dodelin, Béatrice Commengé ©YesICannes.com

Jacques Audiberti

Fils unique d’un maître maçon, Jacques Audiberti se voit contraint de quitter l’école pour cause de santé fragile. Dès 1914, l’enfant prodige écrit des poèmes et des chroniques au Réveil d’Antibes. En 1924, Jacques Audiberti entre au Petit Parisien pour couvrir les faits divers et c’est ainsi qu’il découvrira la férocité de la nature humaine. Autodidacte, rhéteur éloquent doté d’une prodigieuse richesse verbale, Jacques Audiberti construit son œuvre autour du Bien et du Mal, du meilleur et du pire en l’adoucissant de comique. En 1930, Jacques Audiberti publie à compte d’auteur, son premier recueil de poésie, L’Empire et la Trappe, suivi de Race des hommes (1937), qui reçoit le Prix de poésie de l’Académie Mallarmé, Des tonnes de semence (1941) et Toujours (1943).

Un auteur prolifique

Auteur prolifique, il publiera au cours de sa carrière d’écrivain quatorze romans, dont Abraxas (1938), Le Maître de Milan (1950) ou La Poupée (1956), et vingt-trois pièces de théâtre dont les plus connues sont Le Mal court (1947) et Cavalier seul (1955). Le Grand prix national des lettres lui est attribué pour l’ensemble de son œuvre, ainsi que le Prix des critiques. Son journal Dimanche m’attend paraît l’année même où il meurt des suites d’un cancer. En 1996 sortent deux recueils thématiques, Le Mur du Fond, qui rassemble ses critiques de cinéma, et La Forteresse et la marmaille, ses essais sur la littérature et les écrivains. Paris fut (1999) propose les chroniques de Jacques Audiberti sur Paris.