En ce troisième jour, la compétition se poursuit avec Les Filles d’Olfa de Kaouther Ben Hania et le film choc de Jonathan Glazer, The Zone of Interest.
Festival de Cannes 2023 : la compétition pour la Palme d’or a présenté Les Filles d’Olfa de Kaouther Ben Hania et The Zone of Interest de Jonathan Glazer, dont la projection a provoqué le premier choc du Festival par le réalisme glaçant de l’évocation de la vie familiale du commandant d’Auschwitz!
Les Filles d’Olfa, entre documentaire et fiction
Alors qu’elle travaille sur son film Zaineb n’aime pas la neige, Kaouther Ben Hania est happée par une histoire à la radio. La mère de quatre adolescentes témoigne de la disparition tragique de ses deux aînées. Cette femme, c’est Olfa. L’histoire est aussi riche que trouble, elle hante la réalisatrice, au point d’entrer en contact avec la mère. Pour combler leur absence, la réalisatrice Kaouther Ben Hania convoque des actrices professionnelles et met en place un dispositif de cinéma hors du commun afin de lever le voile sur l’histoire d’Olfa et ses filles. La réalisatrice tunisienne déclare: « C’est le rôle du cinéma d’aller explorer ces zones-là, ces ambiguïtés de l’âme humaine. » Un voyage intime fait d’espoir, de rébellion, de violence, de transmission et de sororité qui va questionner le fondement même de nos sociétés.
The Zone of Interest, la banalité du mal
The Zone of Interest, quatrième long métrage du Britannique Jonathan Glazer est un film-choc comme le fut Le Fils de Saul de László Nemes. Mais au lieu de montrer l’horreur de la solution finale depuis l’intérieur du camp, des actions héroïques ou de survie, Jonathan Glazer nous entraine dans l’ordinaire du quotidien de Rudolf Höss, (Christian Friedel), commandant d’Auschwitz, qui, avec sa femme Hedwig et sa famille occupent une maison au pied des murs du « KZ » (Konzentrationlager). Le mari s’applique avec zèle à tenir les quotas édictés par Himmler d’élimination de Juifs, Tzigeuner (Tziganes) et autres « entartete » (dégénérés) non-conformes à l’idéal aryen du nazisme. L’épouse (Sandra Hüller) élève leurs blonds enfants, aidée par des détenues-servantes, et lutte, elle, contre les mauvaises herbes qui envahissent son jardin de fleurs et légumes.
Un réalisme glaçant
C’est la première fois qu’un réalisateur évoque, de l’autre côté des hauts murs barbelés, la vie de famille d’un bourreau SS qui participe à l’industrialisation du meurtre de masse, approuve des plans de fours fonctionnant en continu et, en même temps, promène ses enfants en canoë pendant ses loisirs. Avec des plans fixes et sobres, le réalisateur de Birth et Under My Skin (2013) nous emmène dans la banalité du mal, les scènes s’emboîtent dans un réalisme glaçant pour décrire cet univers familial goûtant les plaisir de la vie avec en bruit de fond, par dessus les murs, les cris des suppliciés, les ordres des exécuteurs, et la fumée crachée par les cheminées du camp d’extermination et des locomotives des convois de la mort. Ce film ramène à la mémoire que « ceux qui n’ont fait qu’obéir aux ordres » vivaient dans le déni des souffrances de leurs victimes, impassibles, pendant l’agonie d’une partie de l’humanité.
Le Lebensraum
La « zone d’intérêt », c’est l’appellation qu’utilisaient les nazis pour décrire la zone de 40 kilomètres carrés entourant le camp de concentration d’Auschwitz, situé en Silésie (Pologne). Dans l’attachement de la femme du commandant du camp à son jardin et sa maison qu’Hedwig manifeste dans son intention de ne pas suivre son mari lors de sa prochaine mutation, The Zone of Interest évoque également le thème du Lebensraum, l’idée d’espace vital, chère au nazisme, utilisé pour justifier la politique expansionniste de l’Allemagne nazie vers l’Est, expansionnisme autant territorial que biologique et culturel, afin que le troisième Reich de l’Allemagne nationale-socialiste instaure le « Tausendesjähriges Reich », l’empire de mille ans. Heureusement, les mille ans que devaient durer le troisième Reich nazi ont été réduits à douze!
La Montée des Marches des Filles d’Olfa
Cliquer pour agrandir – ©YesICannes.com – Tous droits réservés
Recent Comments