Festival de Cannes 2025, Romeria, The History of Sound et Sentimental Value

The History of Sound team ©YesICannes.com

Le Festival de Cannes a présenté Romeria de Carla Simón, The History of Sound de Oliver Hermanus et Sentimental Value de Joachim Trier

The History of Sound : le Festival entame la dernière ligne droite vers le palmarès avec la projection de Romeria, troisième long métrage (en catalan) de la réalisatrice espagnole Carla Simón après Été 93 et Nos Soleils; The History of Sound du cinéaste sud-africain Oliver Hermanus est une relation profonde entre deux hommes sur fond d’amour du chant. Sentimental Value (Affeksjonsverdi) est une comédie dramatique norvégo-franco-dano-allemande coécrite et réalisée par Joachim Trier qui retrouve l’actrice de Julie (en 12 chapitres), Renate Reinsve – Prix d’interprétation féminine en 2021 – et accueille Stellan Skarsgård et Elle Fanning dans son univers.

Romeria ©QuimVives_Elastica Films

Romeria, ode à la mémoire et aux racines familiales

Romeria suit Marina (Llúcia Garcia), adoptée depuis l’enfance, qui se rend dans la ville galicienne de Vigo pour rencontrer une partie de sa véritable famille, celle de son père biologique afin d’obtenir un document d’état civil pour ses études supérieures. Comme sa mère, il est mort du sida alors qu’elle était très jeune. Guidée par le journal intime de sa mère qu’elle avait précieusement gardé,elle se rend sur la côte atlantique et rencontre ses oncles, tantes et grands-parents. Marina tente de reconstituer un récit cohérent de son père et de l’histoire d’amour qu’il a vécue avec sa mère. Mais c’est difficile : l’arrivée de Marina va faire ressurgir le passé… Tous ont trop honte des problèmes de drogue du couple, que Marina réveille dans leur esprits. Mais l’histoire d’amour adolescente qu’elle vit avec son cousin Mitch (Nuno) lui permet de ré-imaginer ses parents et de se rapprocher d’eux. Marina va découvrir les secrets de cette famille, et s’invente une histoire qui la libère de la stigmatisation de sa famille et répond à son désir de comprendre le passé. Avec Mitch Nuno et Tristán Ulloa.

©QuimVives_Elastica Films

Poésie du quotidien

Le film se déroule autour d’une tradition annuelle, la « romeria » (pèlerinage ou fête votive), qui devient le fil conducteur d’une exploration intime des liens générationnels et des souvenirs qui façonnent l’identité. À travers le regard de Marina, Carla Simón observe les dynamiques familiales, les non-dits et les rituels qui perdurent. La mise en scène de Carla Simón est d’une grande finesse et d’une authenticité désarmante. Elle filme ses personnages avec une tendresse infinie, capturant les gestes du quotidien, les expressions fugaces et les moments de complicité. La réalisatrice parvient à trouver la poésie dans le quotidien, dans les gestes répétés, dans les paysages familiers et dans les visions partagées. Le film est une ode à la mémoire collective et individuelle, et à la manière dont elle nous ancre dans le monde.

The History of Sound ©Fair Winter LLC

The History of Sound, amour du chant

Dans The History of Sound, Oliver Hermanus raconte l’histoire d’amour entre Lionel (Paul Mescal) et David (Josh O’Connor) qui font connaissance pendant la Première Guerre mondiale au Conservatoire de Boston. Originaire du Kentucky, Lionel est un chanteur talentueux mais, tout juste sorti de la ferme familiale, reste un élève introverti, alors que David est un étudiant en composition issu d’une bonne famille, aussi brillant que séduisant. Leur amour naissant s’interrompt lorsque David est mobilisé à la fin de la guerre, mais, en 1920, ils sont réunis de nouveau le temps d’un hiver. Lionel et David sillonnent alors les forêts et les îles du Maine, parcourant des dizaines de kilomètres à pied pour collecter et préserver les chants folkloriques menacés d’oubli. Par la suite, Lionel connaît la reconnaissance, la réussite, et d’autres histoires d’amour au fil de ses voyages à travers l’Europe, mais jamais il n’oublie cette relation qui résonne toujours en lui.

Paul Mescal ©YesICannes.com

Héritage et puissance des sons

Le cinéaste sud-africain, salué pour sa capacité à explorer la complexité des relations humaines et les non-dits à travers des récits intimes et visuellement somptueux (Living, Moffie), livre ici une œuvre d’une délicatesse et d’une profondeur rares, une méditation sur la mémoire, l’héritage et la beauté éphémère du son. La quête commune de capturer les voix et les sons du quotidien de personnes ordinaires, devient le prétexte à une exploration poignante des vies qu’ils rencontrent et des liens qui se tissent entre eux. Hermanus filme avec une attention méticuleuse aux détails, transformant chaque scène en une composition picturale. La lumière est utilisée avec maestria, soulignant les textures, les visages et les paysages avec une douceur mélancolique. Le rythme délibérément lent invite le spectateur à s’immerger pleinement dans l’univers sonore et visuel du film, à écouter les silences et à ressentir les émotions qui se dégagent des interactions. The History of Sound est une invitation à l’écoute, non seulement des sons enregistrés par les personnages, mais aussi des voix intérieures, des cœurs qui se dévoilent et des âmes qui se rencontrent.

Sentimental Value ©Kasper Tuxen

Sentimental Value, les liens invisibles de nos vies

Le retour de Joachim Trier en compétition officielle au 78e Festival de Cannes avec Sentimental Value (titre original : Affeksjonsverdi) était l’un des moments forts de cette édition. Le cinéaste norvégien est connu pour sa capacité à disséquer les tourments de la jeunesse moderne et les complexités des relations humaines avec une intelligence et une sensibilité rares. Après Julie (en 12 chapitres), Oslo, 31 Août, The Worst Person in the World, Joachim Trier, le maître norvégien des récits introspectifs et émotionnellement riches, signe une œuvre profondément émouvante sur ce qui nous lie aux objets, aux lieux et, surtout, aux personnes. Ce film, bien que plus court et plus expérimental que ses œuvres précédentes, conserve la marque de fabrique de Trier : une sensibilité aiguë pour les détails et une exploration profonde des relations et des souvenirs.

©DR

Les ancres de nos existences

Ancien cinéaste de renom, qui n’a plus tourné depuis plus de dix ans, Gustav (Stellan Skarsgård) a toujours privilégié son art avant sa famille. Mais les années se sont accumulées et l’ont invité à la réconciliation familiale. Alors que ses filles envisagent de vendre la maison, il leur annonce qu’il souhaite y tourner son prochain film. Il propose à Nora, (Renate Reinsve) comédienne de théâtre, de jouer dans son prochain film, mais celle-ci refuse avec défiance. Il propose alors son rôle à une jeune star hollywoodienne, (Elle Fanning) ravivant les braises de souvenirs de famille douloureux. Le début du tournage en Norvège devient alors l’occasion pour Gustav de réparer ses relations familiales. Le scénario, coécrit par Trier et Eskil Vogt, est d’une rare finesse psychologique. Les dialogues, d’une justesse saisissante, reflètent la complexité des pensées et des sentiments humains. Affeksjonsverdi excelle à montrer comment les petites choses, les objets insignifiants, les souvenirs partagés, peuvent prendre une valeur immense et devenir les ancres de nos existences. Il explore la fragilité de ces ancres et la douleur de leur perte.