amexica marie baronnet mougins face mur

Amexica de Marie Baronnet à Mougins : Face au Mur

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Marie Baronnet ©YesICannes.com

« Amexica » est la nouvelle exposition consacrée à la Photo-journaliste indépendante Marie Baronnet au Centre de la photographie de Mougins.

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Amexica, l’exposition consacrée à la Photo-journaliste Marie Baronnet au Centre de la photographie de Mougins, est la seconde partie d’une recherche en deux temps intitulée « Ce qui nous arrive ici, en plein visage », selon l’expression de Théodore Monod. Les Vodous de Catherine De Clippel en constituait la première partie.

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Une barrière infranchissable de 3 400 kilomètres

Amexica de Marie Baronnet, photo-journaliste indépendante pour la presse française et américaine installée à Los Angeles depuis 2011, propose un reportage oscillant entre film et photos sur la frontière séparant les États-Unis et le Mexique. Sur ce territoire se dresse une barrière de 3 400 kilomètres bardée d’un important dispositif de sécurité avec télésurveillance. Le long de cette muraille sinistre et connue de tous, de nombreux policiers patrouille en Jeep le territoire pour dissuader les candidats à l’immigration de franchir la frontière. Mais en vain, car nombreux sont les Mexicains qui tentent chaque jour de le faire.

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La photographie un champ de bataille

Dans Amexica, la photographie est un champ de bataille. On s’y affronte dans un combat entre communautés, cultures et pays. Cette muraille incarne à elle seule tous les murs et le refus de l’autre. Pourtant, combien de kilomètres de mur faudra-t-il pour que les ressortissants d’Amérique latine ne soient plus fascinés par la richesse et le dynamisme des États-Unis ? L’histoire pourrait porter ses leçons, surtout lorsqu’on constate, aux quatre coins du monde et quelle que soit l’époque, que ces murs frontières n’ont jamais permis à une quelconque puissance de rester dans un isolement qu’on qualifiera de splendide ou de sinistre, selon le côté du mur choisi.

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Une ligne de démarcation initiée par Trump

Aujourd’hui le monde balance de plus en plus entre indifférence et intolérance dans un territoire circonscrit par des matériaux agressifs. Les contradictions ne peuvent se régler sans heurts et cette ligne de démarcation longue de 1 300 km en 2006, et qui aurait limité de 25 % l’immigration illégale mexicaine a depuis était prolongée par les présidents successifs et notamment par le président Trump pour indiquer le territoire du maître et celui du faible. « Parler à un mur » c’est s’adresser à quelqu’un qui ne vous écoute pas; le mur symbolise l’échec de la communication ou plutôt, la victoire de la communication unique par la violence.

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Migrants traversant la frontière du côté américain ©DR

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Matelas – Naco – Mexique, 2000 ©YesICannes.com

Protéger le peuple contre le crime

L’intolérance c’est aussi le goût absolu du pouvoir absolu : que ce soit pour assurer l’identité du clan ou la domination d’un territoire, en particulier les États-Unis. Le mur est le point de départ d’une psychose généralisée, un déni de réalité partagé par une communauté angoissée. Fermer la frontière, c’est « protéger le peuple contre le crime » et investir le mur d’un caractère sacré. L’ouvrage qui, selon Trump, s’est voulu  » impénétrable, beau et solide » borne les confins de la civilisation contre ces modernes « barbares ». Cette longue barrière est pleine de trous et d’interruptions. A certains endroits, la frontière est matérialisée par une rivière ou des montagnes, où un obstacle physique n’aurait pas de sens. A Lukeville en Arizona, un grand mur borde la ville et se transforme en simple barrière en dehors. A El Paso, c’est un grillage affreux, très intimidant, qui donne l’impression que le Mexique est en prison.

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Franchir la ligne – Naco – Mexique, 2000 ©YesICannes.com

Le mur symbole de protection

Les murs sont un symbole protecteur. Ce sont des structures, témoins de l’intelligence humaine, celle des bâtisseurs, symbole de résistance physique, mais aussi d’isolement et de retrait du monde. Les murs sont d’abord les éléments stables de la construction psychique. Leur épaisseur est égale aux protections  mises entre les protagonistes et l’extérieur. Dans ce sens, les murs séparent et désignent ce qui est à l’intérieur et ce qui est à l’extérieur. Ceux qui sont à l’extérieur des murs de la cité sont les bannis.

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Combat entre forces et pulsions

Clivage racial, clivage de classe, tout ici s’oppose dans un affrontement où l’un des protagonistes supplie, et l’autre humilie. Monde binaire, alternance de lumière naturelle, aveuglante, et d’obscurité, précarité contre abondance, ville et désert, bricolage et sophistication, milices opposées aux coyotes, comme si cette partie du monde ne fonctionnait qu’en termes schématiques ! Il faut pourtant en convenir, les soirs de pleine lune, dans l’alternance du jour et de la nuit, se joue le combat entre deux forces, entre deux pulsions, celles de la vie et de la mort, de l’amour et de la haine.

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Cimetière Evergreen, Tucson, Arizona – États-Unis, 2000 ©YesICannes.com

Réalité dérangeante et interrogatrice

Dans une suite photographique consacrée à la représentation d’une réalité apocalyptique à la frontière entre le Mexique et les États-Unis, Marie Baronnet ne laisse rien dans l’ombre. Entre les objets récupérés en morgue ou les portraits situationnels, les couleurs franches et contrastées de l’artiste font ressortir la nature d’un conflit frontalier qui déchire les communautés et donnent à voir une réalité dérangeante et porteuse d’interrogations, car il s’agit ici d’êtres humains. Beaucoup de migrants meurent dans le désert car ils se retrouvent sans eau ou sont tués par des inconnus. Pourtant, les populations hispaniques défavorisées sont de plus en plus nombreuses à risquer leur vie pour la franchir.

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Un apartheid mis en place par le mur

Son attention se porte sur des instants quelconques et juxtapose des moments qui rendent intelligibles le processus, l’apartheid mis en place par le mur, dans l’urgence, portrait par portrait, de saisir le drame qui nous fait face, ses protagonistes et ses modalités. À l’instar d’un Matt Black dépeignant dans son dernier ouvrage American Geography la précarité extrême des Américains aux quatre coins du pays, Marie Baronnet s’inscrit dans ce courant photographique du documentaire portant un regard neutre, purement informatif, tout en pointant les paradoxes de cette situation et le caractère intenable d’une quelconque justification. Échapant à tout sensationnalisme, Amexica révèle pourtant une réalité bien plus complexe que les cadres médiatiques habituels concernant la frontière Sud et la lutte contre l’immigration clandestine.

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Ouvrez les yeux fermez vos peurs – Ciudad – Mexique, 2000 ©YesICannes.com

Amexica : vivre la vie sur place

En 2009, Marie Baronnet commence à photographier et à filmer régulièrement la frontière mexico-américaine d’un bout à l’autre, allant de l’océan Pacifique jusqu’au golfe du Mexique. Son approche consiste à explorer toutes les facettes de cette frontière sans idées préconçues. Pendant près de dix ans, Marie Baronnet rencontre des migrants et des militants, des médecins légistes, des « coyotes », des shérifs et des agents de la police des frontières ou encore des Minutemen, qui sont autant de profils incarnant la vie sur place. Elle s’imprègne également de la culture propre à ce lieu ; une culture « Amexicaine », faite d’une musique, d’une nourriture, d’un langage propre aux villes frontalières. Durant toutes ses années, la reporter accumule un matériel précieux dont elle sait qu’il fera sens un jour, en dehors de toute logique journalistique, de toute réaction à l’actualité.

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Murs piétonniers construits à partir de tapis d’atterrissage en acier. Ils ont depuis été remplacés par des murs en acier de 5 à 9 mètres de haut – Naco – Mexique, 2000 ©YesICannes.com

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Photos et d’entretiens filmés

En 2018, Marie Baronnet se replonge dans les images qu’elle a réalisées et redécouvre une matière riche, faite de photos et d’entretiens filmés autour de l’activité de différentes personnes mais aussi de leur rapport à la frontière, entre États-Unis et Mexique. Ces images, bousculées entre temps par l’élection de Donald Trump, donne un sens aigu au présent et incite Marie Baronnet à finir le tournage du film Amexica (1h 32mn), un road trip à travers un abîme mythique, à la fois physique et culturel. Cette expédition audacieuse vise à peindre une fresque colorée où politique, violence, perte et espoir, poésie visuelle et ambitions frustrées coexistent cruellement.

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Deux familles mexicaines mises en scène

En plus de ces nombreux portraits, l’artiste va suivre deux famille au quotidien: la première, depuis son arrivée à Tijuana avec une « Caravane des migrants » jusqu’à ses tentatives de franchissement de la barrière, puis sa demande d’asile dans l’espoir de s’installer au Texas et enfin son déménagement à Houston ; la seconde, celle d’une travailleuse sans papiers, mère de deux enfants, continuant à vivre à Tucson en menant une vie normale alors que son mari est expulsé des États-Unis vers le Honduras et qu’elle aussi vit avec cette menace d’expulsion à chaque instant.

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Les travaux de Marie Baronnet au Centre Pompidou

Durant sa formation à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, Marie Baronnet (née à Paris en 1972) obtient en 1997 une bourse pour étudier au California Institute of The Arts de Los Angeles. Les premiers travaux de Marie Baronnet abordent la photographie et la vidéo comme un medium strictement artistique. Dès 1996, son travail multimédia est présenté au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris avant d’entrer dans les collections du Centre Pompidou.

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Exposée au musée des Beaux-Arts de Paris

Ses autoportraits abstraits sont présentés dans le comté de New York, aux côtés d’artistes féministes américaines comme Cindy Sherman ou encore Jenny Holzer dans le cadre de l’exposition Laughter Ten Years After: The Revolutionary Power of Women’s Laughter avant d’être exposés au Musée des Beaux-Arts de Paris en 1999. Photo-journaliste indépendante pour la presse française et américaine (Libération, Le Monde, L’Obs, Newsweek, Sunday Times, etc.) elle entame une démarche documentaire à partir des années 2000. Elle s’installe à Los Angeles en 2011 et publie chez André Frère Éditions, Legends: The Living Art of Risqué (2014), un ouvrage sur l’art du striptease et ses pionnières à travers l’Amérique. Cette série entre dans la collection du Centre audiovisuel Simone de Beauvoir.

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Tecate, Mexicali – Mexique 2000 (2ème photo) ©YesICannes.com

Exposition monographique au Centre Photographique de Mougins

Amexica est le premier film documentaire de 95 min réalisé par Marie Baronnet entre 2009 et 2019 est coproduit par la société Velvet Films de Raoul Peck et Arte en 2020. En 2023, le Centre de la photographie de Mougins lui consacre une exposition monographique sur son travail à la frontière et présente pour la première fois depuis sa diffusion sur Arte.

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Angel – Naco – Mexique, 2000 ©YesICannes.com

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www.centrephotographiemougins.com

Amexica de Marie Baronnet à Mougins : Face au Mur was last modified: mars 9th, 2023 by tamel

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